Past

la nuit les molécules l'horizon

Exposition collective conçue par Fabien Danesi

29.05.2015 – 30.10.2015
Corti

Régulièrement, le FRAC Corse propose à des personnalités, historiens, artistes, critiques de réaliser une exposition à partir de sa collection.
On se souvient de l’exposition " L’amour à mort " d’Hervé Gauville et, plus récemment, de " Nessun Oggetto è innocente " réalisée par Hugues Reip pour les « 30 ans des FRAC(s) ».
En 2015, c’est Fabien Danesi, historien de l’art, critique, responsable du programme du Pavillon Neuflize OBC (Laboratoire de création du Palais de Tokyo), qui a visité la collection du FRAC Corse et conçu l’exposition La nuit les molécules l’horizon, un parcours inédit qui se découvre dans les salles d’exposition à Corte.
Sur l’esplanade, l’œuvre d’Ange Leccia, Sans titre (2015), accueille et retient le visiteur. 

Boris Achour Dennis Adams Daniel Bosser Stephen Dean Mimosa Echard Hakima El Djoudi Sylvie Fanchon Alicia Framis Rodney Graham (IFP) Gérard Koch & Pascal Alessandri Ange Leccia Gabriel Orozco Présence Panchounette Gaël Peltier David Raffini Bernhard Rüdiger Claude Rutault Franck Scurti

Ange Leccia, Sans titre (2015)
Ange Leccia, Sans titre (2015) (détail)

"... l'exposition La nuit, les molécules, l'horizon part de plusieurs intuitions dans la perspective de faire dialoguer de façon polysémique les œuvres choisies au sein de la collection du FRAC Corse.

En cela, elle rejoint les qualités du neutre telles que Roland Barthes les décrivit dans son cours au collège de France à la fin des années 1970. Le penseur remarquait que le neutre s'approche à partir d'allusions rhétoriques : il favorise les scintillations plutôt que les définitions. Il ne s'accomplit pas dans la signification entendue comme un système dualiste mais il "reste conflictuel, sensible à la lutte de forces coléreuses dressées l'une contre l'autre ". Comme lui, la dialectique étoilée écarte la neutralité du jugement sans opérer de classement. Elle distingue les objets artistiques mais ne les ramène pas à une valeur exclusive, trop consciente du devenir-marchandise de toute chose."En absorbant les marges, le capitalisme est parvenu à faire coïncider les expériences d'avant-garde, les revendications de l'underground et le discours de la marchandise. (...) Désormais, toute la création est d'emblée conçue, comprise et acceptée comme une production culturelle à potentiel commercial." Au rythme de la mode, le constat de Camille de Toledo - vieux de plus de dix ans - est usé depuis longtemps. Mais il oblige encore et toujours à opérer des déplacements. Car si la marchandise est plus que jamais omniprésente, elle n'a pas complètement phagocyté la sensibilité, au point que nous ne serions plus que des consommateurs patentés.Il est possible de se réapproprier les interprétations de Félix Guattari qui expliquait en 1980 que "nous n'avons plus le même rapport à la lecture, à l'écriture, à l'image, à l'espace, au sexe, au corps, à la nuit, au soleil, à la douleur, qu'il y a seulement dix ans ! Dans tous ces domaines, des mutations profondes et irréversibles sont en cours. Autrement dit, le substrat moléculaire sur lequel s'inscrivent les grands ensembles sociaux est devenu une sorte de soupe bouillonnante, de "soupe machinique", au sens où l'on parle de soupe biologique, qui n'est pas "déterminée" de façon univoque par le niveau macro-social. La question d'une intervention politique au niveau social global me paraît donc être devenue inséparable de ses connexions avec ce niveau moléculaire." C'est à cette échelle moléculaire que se structure la dialectique étoilée. Impossible encore une fois de subsumer cette dernière sous une seule problématique. Ce serait instrumentaliser les créations, les ramener à une illustration, et oublier que la voie lactée de l'art ne peut jamais être rapportée à une unique représentation. Le choix a donc été fait de continuer l'écriture de ce texte- tel un work in progress - à partir des dialogues permis de salle en salle par l'accrochage des œuvres. De la sorte, l'horizon du titre correspond à l'ouverture que l'écriture sollicite lorsque cet exercice n'est pas la transposition exacte de ce que l'on connaît. L'horizon est l'indice d’une inaccessible conclusion. Il est le signe de l'écart que la pensée fait surgir au cœur de son énonciation."

Extrait du texte La dialectique étoilée – Fabien Danesi - Catalogue LA NUIT LES MOLECULES L’HORIZON - FRAC CORSICA - Silvana Editoriale

Intervention de Fabien Danesi avec les étudiants de l'Università di Corsica Pasquale Paoli