Past

Là où se fait notre histoire

exposition collective

01.06.2011 – 26.07.2011
Corti
Vue générale - Là où se fait notre histoire (2011)

L’exposition est centrée sur la collection elle-même dont elle marque un moment important de sa visibilité avec la présentation d’œuvres qui n’ont pas encore été vues du public de Corse.

« Là où se fait notre histoire » cite Marguerite Duras (1). Les œuvres disent les options prises par les artistes, ce qui les lie au lieu d’où ils viennent ou qu’ils ont choisi comme point de vue et comment ces choix participent d’une conception ouverte du monde.

Le titre est aussi une affirmation de la place de l’art contemporain en Corse, renforcée malgré les épreuves. C’est à partir de leur expérience de la vie quotidienne et d’une observation attentive de ce qui les entoure, maison, famille, situation géographique, sociale et politique que les artistes produisent des actes, des gestes qui traduisent leur implication dans le devenir immédiat de leur environnement et dont le sens dépasse ce contexte.

C’est une lutte pour la vie et le maintien en éveil de la conscience. Les artistes ont des images et des mots pour cette cause. Les œuvres n’ont ni la forme ni les intentions de slogans propagandistes. Elles n’engagent pas sur une voie, elles ouvrent l’esprit, le délivrent des stéréotypes.

De même que le roman porte souvent mieux les témoignages de l’histoire que certains essais, les œuvres sont plus efficaces que des discours. Et elles le restent longtemps. Elles sont libres et fortes, elles donnent du courage, mais aussi une forme au désespoir.

Les artistes ne délivrent pas de messages abstraits au contraire ils construisent leurs projets à partir de ce qu’ils connaissent le mieux qui est plus qu’une expérience, la vie même, telle qu’elle est vécue par leurs proches, dans le pays dont les intérêts les concernent ; la vie concrète, la vie matérielle comme Marguerite Duras n’a pas hésité à la nommer, celle qui reste à l’origine de toutes les sensations les plus vraies et violentes.

La zone d’influence d’une œuvre d’art part de l’intime et de la banalité de la routine, des usages partagés dans le quotidien pour se propager de cercle en cercle comme les anneaux d’un jet de pierre dans l’eau. Elle porte dans cette originelle banalité la profondeur du vécu qui rejoint par sa véracité d’autres sensibilités et les relient.

Leonardo Boscani intervient dans l’ordre édicté par la loi du marché et de la consommation pour sauver de la pollution pétrolière le site protégé de la Pelosa dans sa région de Sardaigne. L’action est si populaire que, renversant les influences, elle gagne. Barthélemy Toguo se photographie confondu aux troncs d’arbres des forêts dévastées du Cameroun. Antoni Muntadas filme la gestuelle d’un discours politique dont le son n’est qu’un brouhaha inaudible, il n’en laisse reconnaissable que le ton. Sophie Ristelhueber compose des images bouleversantes, superpositions d’archives et de ses propres photographies témoignages de guerre, que l’impression sur verre fait flotter dans la mémoire. La mappemonde de Michelangelo Pistoletto fabriquée de journaux, qui a été roulée dans les rues de Turin en 1967, est à présent protégée par une prison de barbelés. La scintillante Thing de Subodh Gupta est entièrement composée de pinces de cuisine en acier inoxydable telles qu’on les utilise quotidiennement en Inde. Leur assemblage forme une sculpture dont la présence est aussi forte qu’une statue de divinité astrale. Dans la configuration d’un rond-point, Saâdane Afif reconnaît un moment de son destin ; une prise de conscience fortuite qui lui fait dresser la liste de tous ceux qui l’ont amené là où il (en) est. Filmé dans sa salle à manger par Kaoru Katayama, un couple de gitans échange des sons frappés et rythmés à la main sur une table qui les sépare. Ce sont les mesures d’une danse flamenca. Le spectateur qui n’en est pas forcément averti est pourtant pris dans la connivence de ce couple. David Raffini et João Onofre font partager leur condition d’artiste et les visions qu’ils provoquent dans leurs ateliers. La famille modèle mise en scène par Dominique Degli-Esposti menace d’exploser dans son cadre idéal. Jean-Paul Pancrazi utilise des objets de vannerie pour marquer la matière de sa peinture. Toni Casalonga met en images son engagement idéologique avec une cohérence qui en fait un style perceptible quels que soient les supports qu’il utilise. Agnès Accorsi défend un territoire entre mythe et réalité. Bouchra Khalili enregistre le témoignage d’une jeune émigrée irakienne qui vit à Istanbul et rêve de pouvoir partir en Australie. Sa vie s’accomplit dans cette ville où elle attend sans cesser d’espérer. A Séoul l’envahissement de la publicité dans l’espace public inspire à June Bum Park une vidéo qui tourne en dérision cette frénésie. La maquette de Gaël Peltier recrée l’ambiance de menace des zones suburbaines. Les semelles de Franck Scurti qui portent gravé, un plan de ville, sont les indices d’une absorption réciproque de l’individu et de la cité. La cartographie urbaine, neutre à priori, donne à Francesc Ruiz matière à dessiner une multitude d’histoires des habitants par quartier. Alberto Garcia-Alix a saisi toute la force et la liberté de la Movida. Pour photographier la Corse Bruno Serralongue a intégré l’équipe du quotidien Corse-Matin ; il y a travaillé plus d’un mois comme reporter photographe.

(1)    Marguerite Duras in La vie matérielle (1987) : « Nous sommes là. Là où se fait notre histoire. »

Anne Alessandri - Curatrice

Vue générale - Là où se fait notre histoire (2011)

Agnès ACCORSI Saâdane AFIF Leonardo BOSCANI Toni CASALONGA Dominique DEGLI-ESPOSTI Alberto GARCIA-ALIX Subodh GUPTAKaoru KATAYAMA Bouchra KHALILI Antoni MUNTADAS João ONOFRE Jean-Paul PANCRAZI June Bum PARK Gaël PELTIERMichelangelo PISTOLETTO David RAFFINI Sophie RISTELHUEBER Francesc RUIZ Franck SCURTI Bruno SERRALONGUE Barthélemy TOGUO